Les gueules cassées
LES GUEULES CASSÉES |
J'ai laissé au chemin des dames |
Un peu de ma jeunesse perdue. |
Pour certains ce n'est pas un drame |
C'est vrai qu'là-bas j'les ai pas vus. |
J'aurais préféré rendre l'âme |
Mais j'ai eu une chance de pendu. |
J'ai juste la peau qui se desquame, |
Une jambe en moins, un bras tordu. |
Les bals étaient juste pour Paname. |
Les balles étaient pour les poilus. |
Refrain |
C'est notre sombre destinée |
Quand tu reçois une avoinée |
Par la vie, l'amour, l'amitié |
D'être à jamais une gueule cassée. |
J'ai déposé sur les pavés |
Ma dignité de femme facile. |
J'ai fait du bien comme une fée |
A des bonshommes parfois fragiles. |
Je pris aussi des dérouillées |
Par des mecs qui disaient m'aimer, |
Qui me renvoyaient sans pitié |
Sur le trottoir glaner du blé. |
J'ai évité le vitriol |
Pas les offenses, ni la vérole. |
J'ai poussé au fond de la mine |
Des wagonnets plein de cailloux, |
Passant sous les fourches caudines |
Dans le froid, le bruit et la boue. |
Coule eau de vie, fume nicotine |
Pour oublier les coups d'grisou, |
Que sous la terre, seul l'amitié |
Est une valeur qui vaut un clou. |
La nef des fous vient me chercher |
Dans la brume tout au bout du trou. |
Puis il y'a toi, moi, nous, vous, ils, |
Tout-venant, quidams, inconnus |
Voguant au gré des projectiles |
Que la vie nous balance dessus. |
Eviter les baisers hostiles, |
Fuir le parcours du combattu, |
Sécher ses larmes de crocodiles, |
Retrouver un peu de de vertu. |
Suis un colosse au pied d'argile, |
Un pauvre gosse un peu perdu.
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Heureusement, qu'il nous reste la beauté intérieure.